Premier « date » au Comptoir Général pour lui prouver que vous êtes cool, photo Instagram de votre Venti Mocha Starbucks pour lui montrer que vous êtes un jeune cadre dynamique, pique-nique au Parc Montsouris pour lui faire croire que vous êtes avant tout une personne aux plaisirs simples…

Réussir en amour, c’est jouer aux échecs. Vous placez vos pions avec stratégie et finesse, vous faites avancer votre fou pour gagner du terrain, protégez votre roi pour qu’elle ne découvre pas vos faiblesses, déplacez votre cheval pour préparer votre coup de grâce. Vous mettez tout en place pour qu’elle succombe à vos charmes.

Ainsi commence votre histoire à la Notting Hill : « surréaliste, mais sympathique ». Vous enchaînez les rendez-vous, elle commence à dormir chez vous, elle est devenu votre camarade de journée et de soirée : même votre meilleur ami vous voit moins souvent. Vous planez dans un monde de béatitude complète, vous avalez ses paroles pendant des heures sans soupirer, les yeux brillants et luisants – tel est le regard du Carlin Royal de Mr et Mme Dandy lorsqu’il aperçoit un cookie.

Les semaines et les mois passent. Et arrive finalement le tournant de la relation : elle ne vous offre pas un cadeau d’anniversaire à la hauteur de vos espérances, elle ne vous surprend plus, elle ne fait plus l’effort de se lever le dimanche matin pour vous faire vos œufs pochés et sa crème basilique bio que vous aimez tant. Elle ne donne plus la chamade à votre cœur comme auparavant, et surtout, elle n’a plus l’air de comprendre vos caprices et chagrins : Me connait-elle vraiment ? Quelle image a-t-elle de moi ? A-t-elle véritablement saisi la subtilité intrinsèque légitime et inexplicable de ma personnalité ?

Grande nouvelle messieurs : probablement pas. Deuxième grande nouvelle : vous non plus. Je m’explique. Nous, animaux doté d’une morale discursive, n’avons pas la capacité de nous connaître et comprendre vraiment. Nous sommes des êtres bien trop complexes, recevant dix-huit (Mme Dandy a compté) informations publicitaires sexistes et médiatiques manipulatrices par seconde, et nous cherchons régulièrement à équilibrer la balance entre la personne que nous souhaiterions être et celle que nous devrions être. Vous êtes à des années-lumière de savoir parfaitement qui vous êtes, alors comment pourrait-elle le savoir elle-même ?

Elle vous perçoit drôle lorsque vous faites une blague Carambar, charismatique lorsque vous avez bu une bouteille de tequila de trop, bête lorsque vous lui faites une déclaration romantique, élégant lorsque vous portez une chemise mal repassée (« de toute façon la chemise repassée c’est has been » vous fait-elle croire). Elle vous aime tout simplement comme vous êtes, bête comme vous êtes. Cessez de vouloir savoir comment elle vous perçoit, le plus important, c’est que cette perception lui plaise de jour en jour, tant bien même lorsque vous avez un poster des Beaux-Gosses au-dessus de votre lit. Elle vous aime bien comme ça alors, n’exagérez pas non plus…

Et finalement, si vous vous posez un jour cette question, est-ce vraiment parce que vous la soupçonnez de ne pas vous connaître vraiment, ou bien n’est-ce pas parce que vous n’avez aucune idée de l’image (vraie ou fausse) que vous reflétez de vous-même ?